Le télétravail pendant le confinement : une opportunité d’améliorer durablement l’expérience collaborateur

sophie plumer
6 min readApr 1, 2020

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La France a connu une longue période de grève cet hiver et le monde connaît actuellement une période indéterminée de confinement liée au Covid-19.

Ces épisodes longs et rapprochés de ralentissement ont eu et vont avoir un impact dévastateur sur l’économie, c’est certain. Mais ils vont également bouleverser certaines pratiques en entreprise notamment avec le travail à distance.

Il y a bien sûr des limites au télétravail notamment au modèle “full remotemais les entreprises qui permettent 1 à 2 jours de télétravail par semaine ont observé un gain de productivité et une satisfaction accrue des salariés qui gagnent en souplesse dans leur organisation.

Même si le télétravail du confinement n’est pas le télétravail ordinaire, cette pratique devrait être en forte augmentation dans les prochaines années et devrait apporter trois évolutions majeures dans les entreprises qui n’avaient pas encore expérimenté ce mode de travail. A terme, ne seraient-ce pas les ingrédients d’une meilleure expérience collaborateur ?

Être bien outillé ou comment conserver sa productivité à distance

Le manque d’outils est le frein numéro 1 au télétravail. En 2019 en France, près d’1 salarié sur 2 envoyait encore des documents en pièces jointes de son e-mail professionnel à son adresse personnelle afin d’accéder à ses dossiers en-dehors du bureau.

Mais, après les grèves de décembre 2019, Microsoft France a mené une enquête sur le télétravail et, sans surprise, le rôle des outils technologiques est plébiscité. Il en ressort que le maintien de l’activité n’est possible que si les collaborateurs sont outillés. Ceux qui ont télétravaillé pour la première fois pendant les grèves indiquent qu’ils ont pû le faire grâce à une messagerie instantanée, une plateforme de travail collaborative ou un service de vidéoconférence et qu’ils ont apprécié cette expérience. 90% d’entre eux étaient même prêts à recommencer.

Quand on observe l’évolution record du nombre d’utilisateurs des messageries d’entreprise comme Microsoft Teams ou Slack et des solutions de vidéoconférence depuis début mars, il y a fort à parier que les entreprises qui n’étaient pas prêtes au télétravail en début d’année, se seront équipées et c’est une bonne chose :

  • Teams a gagné 12 millions d’utilisateurs actifs quotidiens supplémentaires, pour se hisser à 44 millions d’utilisateurs en mars 2020 contre seulement 20 millions en novembre dernier.
  • Slack a accueilli 12,5 millions d’utilisateurs en simultané, alors qu’ils disaient avoir 12 millions d’utilisateurs actifs en octobre dernier.
  • Zoom a augmenté de 1270% ses téléchargements en 1 mois.

L’année 2020 a donc indéniablement accéléré la mise en place des outils de travail à distance, ce frein au télétravail devrait donc être en grande partie levé. La crise du Covid-19 a par ailleurs démontré que la mise en place de ces outils pouvait se faire très rapidement, Microsoft Teams communique même sur un déploiement en 24h.

Jusqu’alors le défi de transformation pour les entreprises françaises était de taille, notamment dans de nombreuses PME où la culture digitale n’était pas encore développée et auprès des populations de plus de 50 ans. Les chiffres post-confinement seront intéressants à observer.

Néanmoins un développement si rapide peut avoir ses limites :

  • Certains collaborateurs n’ont pas l’habitude de s’approprier de nouveaux outils. Le manque voire l’absence d’accompagnement au changement peut les avoir mis en situation délicate. Cette difficulté est renforcée par l’isolement dû au télétravail, ce qui limite l’aide ou la formation en présentielle.
  • Certains choix techniques, fonctionnels ou financiers ont été faits très voire trop rapidement. Ils pourraient être revus après la crise et avec le retour à la normale.

Passer du contrôle à la confiance : le défi des managers

Le deuxième frein au développement du télétravail vient du manager, de sa crainte de voir le lien de subordination s’altérer par l’éloignement physique. Avec l’obligation de télétravailler pendant le confinement, quand cela est possible, même les plus réticents ont dû s’y résoudre.

Cette longue période de télétravail modifiera de manière profonde les relations entre managers et collaborateurs et devrait accélérer la fin du modèle de management appelé “traditionnel”. L’heure est désormais à l’autonomie, à la confiance managériale et au leadership.

Le manager ne peut en effet plus contrôler aussi facilement son équipe. Il doit donc faire évoluer son rôle et sa posture pour démontrer sa valeur. Elle réside désormais dans l’engagement des salariés à tenir leurs objectifs en autonomie.

Sunnie Gilles, auteure d’une étude pour la Harvard Busines Review a listé les cinq grandes compétences à avoir pour être un “bon” leader :

  • Communiquer de manière transparente et clairement ses attentes
  • Déléguer et laisser des marges de manoeuvre aux collaborateurs
  • Favoriser la solidarité et l’unité au sein du groupe
  • Accepter les erreurs et aider les collaborateurs en difficulté
  • Donner du sens

Cette évolution paraît évidente pour les entreprises qui pratiquent le télétravail et plus globalement pour celles qui ont déjà fait évoluer leurs modes de management. Mais pour celles qui sont encore au stade du présentéisme et du management pyramidal, c’est un vrai changement de culture !

Là encore, l’absence d’accompagnement et de pédagogie pourrait faire des dégâts, car pour certains la posture adoptée n’est pas qu’un mode de travail, c’est une croyance.

Bien sûr, le changement de culture managériale ne s’arrête pas à la simple personne du manager. C’est un changement bien plus profond, qui doit s’accompagner d’une refonte de gouvernance et d’organisation, de changement de centre de décision, d’évolution des processus et des règles de vie au sein de l’entreprise. Ces thèmes sont nombreux et larges, ils pourront faire l’objet d’autres articles.

Malgré la distance, le liens d’équipe peuvent se renforcer

Avec la crise du Covid-19, le monde semble découvrir la notion d’interdépendance : entre pays, entre secteurs d’activité, entre entreprises d’un même secteur mais également entre salariés d’une même entreprise. Cette notion est tellement évidente qu’elle est oubliée au quotidien.

Le fait d’être chez soi peut être salvateur, loin de la turbulence du bureau et des multiples sollicitations. Mais avec la durée du confinement, le lien social se détend, jusqu’à l’isolement dans le pire des cas. Finalement on s’aperçoit que les pauses café sont utiles pour dynamiser une journée ou même se transmettre rapidement de l’information.

Avec le “full remote”, nous nous apercevons que nous sommes dépendants de nos collègues. Et ce, pas uniquement pour le suivi des processus et des tâches, ils apportent de la vie dans notre journée de travail. Il est reconnu qu’en cas de crise, les liens se renforcent. La solidarité se met en place et le sentiment d’appartenance à une équipe ou une entreprise est décuplé. C’est ce qui est en train d’arriver, à une échelle jamais connue.

Fanny Rouhet, la DRH du cabinet de conseil Wavestone, en a d’ailleurs témoigné sur LinkedIn dans un post à l’attention de ses collègues, elle écrit : “Ce que je retiens par dessus tout c’est la mobilisation des équipes Wavestone, leur capacité à faire bloc et à avancer ensemble”.

Il est également important de noter que les modes de communication évoluent, deviennent plus agiles et créatifs : au-delà de l’utilisation professionnelle des outils collaboratifs, leur usage informel se développe. Nous assistons à l’émergence des café virtuels d’équipe, des channels slack ou groupes whatsapp dédiés aux blagues, ou encore des sessions de sports virtuels entre collègues. Et les entreprises dans lesquelles la bonne humeur règne l’affichent sur les réseaux sociaux professionnels et personnels. Clément Meslin, CEO d’Edflex, a par exemple partagé sur Twitter quelques images du traditionnel afterwork du jeudi soir maintenu en visioconférence.

Plus le confinement sera long, plus ces changements seront ancrés durablement dans les pratiques. Cette crise aura ainsi accéléré la mise en route de changements profonds pour des entreprises qui étaient encore frileuses à le faire. Celles qui prendront conscience de l’opportunité d’améliorer durablement le cadre de travail et l’expérience collaborateurs, pourraient bien être parmi les gagnantes de cette crise.

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sophie plumer

RRH & Podcastloveuse // Passionnée par la transformation digitale et managériale des entreprises