N’essayez plus de gagner du temps, vivez-le !

“Si personne ne me le demande, je le sais, mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus” dit Saint-Augustin à propos du temps.

sophie plumer
8 min readMay 6, 2020

Notre rapport au temps est relatif, personnel.

Avez-vous déjà regardé un morceau de sucre fondre dans l’eau ? Selon votre humeur et vos pensées, vous trouverez que le sucre fond rapidement ou lentement… voire très lentement si vous êtes pressés.

Les progrès techniques et technologiques des cinquante dernières années nous ont permis de gagner en productivité et en efficacité. Cette accélération salvatrice sur de nombreux aspects nous a cependant amené à une sorte de boulimie de productivité.

Notre expérience du temps est souvent malmenée. Nous ne vivons pas bien nos journées surchargées et avons peur de chaque minute inoccupée.

Dans cet article, je pars à la reconquête du temps notamment en le comprenant mieux grâce à la philosophie. Je partage également quelques pratiques qui m’ont permis de me réapproprier mon temps.

Cet article est relativement long, prenez le temps de le lire !

Le temps se vit au présent

Henri Bergson oppose le temps de la science et la durée de la conscience.

Le temps est quantifiable, froid. La durée est intime, subjective.

Or nous avons tendance à nous laisser guider par le temps de la montre. C’est précisément quand le temps va plus vite que notre durée intime que le stress et le sentiment de débordement apparaissent.

Pour Bergson, notre expérience du temps se vit au présent. C’est un présent qui évolue, change en permanence, en se nourrissant du passé : comme une boule de neige qui grossit en dévalant la pente.

Pour le philosophe André Comte-Sponville le temps “c’est la succession du passé, du présent et du futur”.

Il démontre également que l’homme ne vit qu’au présent. Même si nous nous remémorons nos souvenirs et imaginons notre futur, nous ne le faisons qu’à un instant T, au présent.

Finalement, le conseil de ces philosophes à ceux qui sont en quête de temps n’est pas de chercher à en gagner mais de se concentrer sur la manière dont bien vivre chaque instant présent. Car il faut savoir que le présent n’a ni début ni fin : il est ou n’est pas.

Sénèque résume d’ailleurs très bien le propos :

« Est heureux celui qui se contente du présent, quel qu’il soit, et se trouve ami de sa propre condition. »

L’équilibre de vie est une question de choix

Dans son podcast “Philo is sexy”, Marie Robert nous invite à lire Montaigne. Dans les “Essais”, il réfléchit à son rythme de vie et recherche sa cadence idéale. Car pour lui l’épuisement viendrait d’un rythme de vie qui trahit notre nature profonde.

Montaigne prône alors le calme et porte une attention particulière à son alimentation. Il écrit :

“Notre grand et glorieux chef d’œuvre c’est de vivre à propos”.

Dans son livre “The top five regrets of the dying”, Bronnie Ware partage les principaux regrets exprimés par des personnes à la fin de leur vie.

Le regret le plus souvent exprimé est de ne pas avoir eu le courage de vivre une vie plus en accord avec leur vraie personnalité, de s’être trop pliées aux attentes des autres.

En seconde position arrive le sentiment d’avoir trop travaillé pour des choses qui ne leur plaisaient pas vraiment.

Ces deux témoignages pourtant éloignés de plusieurs siècles nous invitent alors à trouver notre équilibre de vie.

Anne-Marie Slaughter, haute fonctionnaire américaine, va aussi dans ce sens. Elle est même convaincue qu’avoir une raison de vivre en dehors du travail améliore la performance professionnelle. S’occuper de ses proches développe de nombreuses qualités utiles dans le monde du travail : la patience, l’empathie, la créativité, la résilience et la capacité d’adaptation.

A un tournant de sa carrière, elle a d’ailleurs refusé une belle opportunité professionnelle pour être plus présente auprès de sa famille. Elle a fait un choix.

Ce que nous faisons de notre temps est alors un choix personnel qui ne doit pas être subi.

Se connaître pour faire des choix éclairés

“Je n’ai pas le temps pour faire ça” signifie “je n’ai pas choisi de faire ça”, sous-entendu j’ai priorisé d’autre chose, même inconsciemment.

Pour être bien vécu (je considère que c’est l’objectif), ce choix doit être fait en conscience et en adéquation avec notre personnalité, notre “durée intime”.

Pour cela il faut connaître ses envies profondes. Rien ne sert de s’inspirer du voisin.

Sans se lancer dans une psychanalyse pour comprendre notre conscience et notre inconscience, je vous partage quatre exercices simples qui aident à mieux se connaître pour faire des choix qui correspondent mieux à ses propres aspirations.

Le “Flashback / Flashforward”

Cet exercice est conseillé dans Le carnet du temps de Live Mentor. Cet exercice se rapproche de la métaphore de la boule de neige : apprenons du passé pour mieux préparer l’avenir.

Il permet de prendre conscience de la satisfaction des moments vécus pour les reproduire dans l’avenir. La méthode marche également pour les moments d’insatisfaction totale afin d’éviter de les reproduire.

Concrètement, il suffit d’écrire tous les moments de satisfaction des derniers mois et de planifier des moments similaires pour les prochains mois.

Le carnet des émotions

De nombreux coachs dont Clotilde Dusoulier du podcast “Change ma vie” conseillent de noter régulièrement dans un carnet les émotions ressenties, positives et négatives.

Cette pratique aide à prendre conscience de l’état émotionnel dans lequel nous sommes après un évènement, une période. Cette prise de conscience a plusieurs facultés :

  • Clarifier les pensées et mettre un mot sur les émotions ressenties
  • Arrêter de ruminer les émotions négatives car une fois sur le papier, elles ne sont plus dans notre tête
  • Accepter ses pensées et ses émotions car elles évoluent, elles bougent comme des nuages et ne nous caractérisent pas
  • Valoriser les émotions positives qui nous donnent de l’énergie et de la force

Concrètement, achetez un joli carnet et écrivez comment vous vous sentez à chaque fin de journée ou de semaine.

Classer ses leviers de motivation professionnelle

Qu’est ce qui me fait me lever le matin ? Pourquoi je reste dans ce job ? Quel serait une meilleure situation professionnelle ?

Il existe 2 types de motivation :

  • La motivation extrinsèque renvoie à l’intérêt et au plaisir qu’une activité procure pour des raisons externes
  • La motivation intrinsèque renvoie à l’intérêt et au plaisir ressenti par l’individu pour lui même, sans aucune récompense externe.

Cet exercice consiste à hiérarchiser ses leviers de motivation professionnelle.

Les leviers de motivation peuvent évoluer. Réaliser un diagnostic régulier (tous les 3 à 6 mois par exemple) permet de vérifier que l’utilisation de notre temps est toujours en lien avec nos aspirations.

Voici 14 leviers de motivation à classer du plus faible au plus fort. Bien sûr, la liste peut être allongée :

avoir une rémunération attractive / relever des défis / être autonome / être bien évalué par sa hiérarchie / gérer son temps librement / être reconnu par ses pairs / évoluer dans un environnement où les relations sont harmonieuses/ contribuer à un projet qui a du sens / être reconnu pour son statut social / se sentir compétent dans son métier / évoluer dans un environnement créatif / apprendre / travailler en accord avec ses valeurs / être en accord avec la vision long terme de son entreprise.

Connaître ses besoins grâce à un test de personnalité

Dans la masse des tests de personnalité, la Process Communication Model développe notamment la connaissance de ses besoins et de ses comportements sous stress.

En comprenant mieux nos facteurs de stress, il est ainsi plus facile de faire des choix pour éviter les situations de stress.

Par exemple, si j’identifie avoir besoin de solitude, je vais éviter de choisir un métier où je suis en relation permanente avec du monde. Et si je me sens stressé, je peux plus facilement diagnostiquer d’où provient l’incofort, l’accepter et m’adapter.

Ce modèle a été utilisé par la NASA pour la sélection, la formation et la gestion des astronautes.

Détailler le modèle serait bien trop long ici mais je vous invite à lire cet article et à regarder cette vidéo.

Prioriser ses envies comme un chauffe-eau cassé

Injecter les marges de manœuvre dans nos agendas peut être la phase la plus compliquée à réaliser et à tenir dans la durée.

Fabien Olicard dans Votre temps est infini nous livre un premier précieux conseil pour y arriver : “ Un c’est mieux que Zéro”.

Ce qui signifie par exemple que “lire 10mn par jour vaut mieux que de ne pas lire du tout”. Cette philosophie permet d’avancer à petit pas sur la réalisation des tâches qui nous tiennent à cœur ou qui doivent être faites.

Laura Vanderkam, spécialiste de la gestion du temps, propose une philosophie basée sur la gestion de priorité :

“la clé en gestion du temps est de traiter nos priorités comme un chauffe-eau cassé”

c’est à dire quelque chose qui intervient à la dernière minute et qui ne peut pas attendre du tout.

Les conseils des spécialistes du temps utilisent (presque) tous les 2 mêmes outils :

  • Des listes de priorités et d’envies
  • Une planification de ces priorités dans nos agendas

J’ai synthétisé mes différentes lectures en 4 étapes pour trouver des marges de manœuvre dans mon agenda :

  1. Définir ses priorités en lien avec ses envies : quelles sont les 3 à 5 réalisations que je veux vraiment faire pour que cette période soit formidable ? Classez ces priorités en 3 catégories pour s’assurer qu’il y a 1 priorité dans chaque catégorie : carrière, famille-amis, soi-même. Le niveau d’ambition des priorités est le vôtre.
  • Exemples : lire 3 livres sur une période d’1 mois, aller au bout du projet X dans 6 mois ou encore dîner en famille.

2. Découper ces priorités en étapes exécutables : Que dois-je faire concrètement ? Quelles tâches dois-je réaliser pour atteindre mon objectif ?

  • Exemple : choisir les 3 livres, définir les créneaux lecture du mois.

3. Se bloquer un créneau dans son agenda pour planifier ses priorités : Laura Vanderkam conseille de la faire le vendredi après-midi.

4. Planifier les moments d’exécution : quand vais-je réaliser ces tâches ? quel est l’impact sur mes autres activités ? Bloquer les créneaux dans l’agenda et s’engager vis à vis de soi-même à tenir ces créneaux.

  • Exemple : le matin en me levant 15 mn plus tôt, tous les soirs avant de me coucher au lieu de regarder la TV, dans les transports à la place d’écouter de la musique, le dimanche matin, 10 minutes en rentrant le soir à la place de scroller Instagram

La clé de cette méthode est de regarder l’ensemble de son temps sans distinction entre le temps personnel et le temps professionnel et de voir comment les marges de manoeuvre peuvent s’y insérer pour se garantir des moments alignés avec nos envies.

Pour conclure, je reprendrais une phrase de Laura Vanderkam qui synthétise bien l’idée que j’ai voulu transmettre : “On ne construit pas la vie que l’on veut en gagnant du temps, on construit la vie qu’on veut, puis le temps s’économise de lui-même”.

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sophie plumer

RRH & Podcastloveuse // Passionnée par la transformation digitale et managériale des entreprises